Palerme






Une plongée hivernale dans Palerme, où s'affrontent des ciels plombés, où les ruelles obscures  bruissent de suspicion aux carrefours illicites de la Méditerranée, est l'occasion pour Christian Buffa de soumettre plus sensiblement la texture grenue de ses "pellicules périmées" au révélateur d'un théâtre politique qui semble rejouer l'antique tragédie humaine. En cette année 2013 se déroulent les élections générales en Italie.
Empêché d'accès à certains bureaux, suspecté par les palermitains qui, de vote coercitif en clientélisme, projettent leur défiance sur cet "autre", traqueur d'intériorité coupable, le photographe saisit, entre dissimulation  et dévoilement, la part morbide et fantasmée qui préside au rituel électoral. 
Discrètement sis derrière un banc, face à l'urne, l'objectif capture le cérémonial du vote dans son essence mystique et sacrificielle. Car le sujet doit  renoncer à son moi rationnel et retomber en obcurantisme lorsque l'acte citoyen est sous contrôle : figures hiératiques, postures contrites, mains fiévreuses et prédatrices sur les bulletins, déréliction des visages noyés derrière les urnes.
Un trait noir barre la série, esquissant un carnet de voyage qui enferme ses protagonistes, "uomini" et "donne", dans la prison mentale des archaïsmes genrés, des votes corsetés, des voix bâillonnées. En attestent l'empreinte carcérale des portraits en diptyque, les bulletins ficelés, la salle froide et désaffectée de l'après vote.
Et c'est le mystère de ces âmes errantes, tant elles semblent détachées du corps politique, qui surgit,  effraction de pure présence, dans l'estompe  pointilliste de l'image, en lisière de l'effacement...
Claudine Olmeta

  • Année2013